Amélie Nothomb, Le Voyage d'hiver, roman, 120 pages, Albin Michel, août 2009, 15 € ***
Voilà comme promis ma deuxième critique de la rentrée : le nouveau Nothomb, comme chaque année, le plus attendu. A venir, le nouveau Samuel Benchetrit qui passe chez Grasset pour Un coeur ouvert.
Chaque année, la rentrée littéraire est lancée par Albin Michel, Amélie Nothomb en tête, imperturbablement présente. Chaque année, les critiques sont partagés. L’an dernier, beaucoup avaient adoré Le fait du Prince que je n’avais que modérément apprécié. Il y a quatre ans, ils avaient détruit Acide sulfurique (à l’exception de Frédéric Beigbeder) qui était et reste pour moi son plus grand livre. Cette année, elle revient avec un roman à mi-chemin entre Cosmétique de l’ennemi et Le Fait du Prince, au niveau de l’histoire, de l’ambiance, de la couleur et de la qualité. Cette année, je prends les devants pour vous en parler avant tout le monde !
Dans ce très court roman, elle met en scène Zoïle (dont l’origine du prénom remonte à l’antiquité où un critique « a été lapidé par une foule de braves gens écoeurés par ses propos sur l’Odyssée. Epoque héroïque où les amateurs d’une oeuvre littéraire n’hésitaient pas à zigouiller le critique imbuvable ») dont le métier consiste à « apporter à ceux qui viennent d’aménager des solutions énergétiques qu’ils n’ont pas demandées ». Jusqu’au jour où il se rend chez une romancière, Aliénor Malèze, qui souffre de la maladie de Preux (ou « autisme gentil »). Il tombe amoureux de son agent, Astrolabe, qui l’a tirée des griffes de ses éditeurs (ils la séquestraient dans un minuscule studio où chaque soir une employée passait écouter la bande enregistrée par Aliénor, qui est incapable d’écrire, et lui donnait à manger en fonction de la qualité de son travail) et s’occupe désormais d’elle jour et nuit. Ce qui pose quelques légers problèmes au nouveau couple, vous l’imaginez. Zoïle cherche alors à se débarrasser d’elle, ne serait-ce qu’une heure, allant jusqu’à lui donner des champignons hallucinogènes (scène mémorable et hilarante).
Jusqu’à l’avant-dernière page, je pensais que le titre et la photo de couverture, sans aucun rapport avec le texte, avaient été mal choisis. Mais Zoïle le dit : il écoutera « le voyage d’hiver » de Schubert parce qu’il n’y a aucun rapport entre cet acte (il a l’intention de détourner un avion avec un tesson de bouteille et de l’écraser sur la Tour Eiffel pour venger son histoire d’amour ratée…Ah! Pardon! « Il n’y a pas d’échec amoureux. C’est une contradiction dans les termes. Éprouver l’amour est déjà un tel triomphe que l’on pourrait se demander pourquoi l’on veut davantage »), parce qu’il n’y a donc aucun rapport entre cet acte et cette musique ». J’accepte donc le titre et la couverture du Voyage d’hiver de Nothomb, et non de Schubert, qui a le mérite de nous faire passer un très bon moment, sans aucune prétention (comme c’est de plus en plus rare dans la littérature française), et avec beaucoup d’humour.