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Bernard Quiriny, Le village évanoui, roman, 210 pages, Flammarion, janvier 2014, 17 € **

Publié le par Sébastien Almira

 

                         1507-1


« Châtillon-en-Bierre est un village de mille habitants situé au centre de la France, entre Auvergne et Morvan. La grande ville la plus proche, Névry, est à cinquante kilomètres. (…) On trouve au village deux boulangeries, deux boucheries, un cabinet médical, une pharmacie, une supérette, une épicerie, un hôtel, un restaurant, une pizzeria, deux succursales de banque et une étude notariale. Le cabinet vétérinaire s'est installé à trois kilomètres sur la route de Névry, non loin d'un affreux bâtiment par le syndicat des communes dans les années 1980 et censé abriter une sorte d'office de tourisme, ainsi qu'une salle de spectacles. Personne ne sait ce qui s'y passe exactement, mais il paraît que deux personnes y travaillent à plein temps, et qu'on y voit parfois de la lumière. (…) Nous en savons assez sur Châtillon-en-Bierre pour mettre fin à ce chapitre introductif. (…) Planter le décor était en tout cas nécessaire car de là, et c'est ainsi que tout commence, nous ne sortirons pas. » pages 7 à 11

Car dans la nuit du 14 au 15 septembre 2012, « Châtillon-en-Bierre semblait s'être transformé en un piège immense et sans parois, sans qu'on sache qui l'avait posé. »

Dès lors, tout le monde y va de sa supposition. Si la tempête magnétique était la piste la plus populaire, celle du camion citerne qui avait traversé le village la veille et y aurait déversé des produits dangereux était souvent évoquée. Les jeunes pensaient à un test grandeur nature organisé par le gouvernement ou l'armée pour évaluer la réaction des Français face aux catastrophes. Enfin, certains parlaient de « canular, une farce grandiose. »

Quelles qu'en soient les causes, le résultat restait bel et bien le même : les habitants étaient enfermés sur quelques kilomètres carré, sans aucun contact avec l'extérieur. Les voitures tombaient inexplicablement en panne à la sortie du village et si c'est à pieds ou à vélo que l'on essayait de sortir de la commune, la route semblait sans fin, si bien qu'au bout de deux heures de balade au décor identique, les lus téméraire revenaient au bercail (une faible portion de chaque route semblait s'étirer à l'infini). Le téléphone, les mails, les sites internet, la télévision : tout ce qui venait de l'extérieur ou qui tentait de sortir n'aboutissait pas. Seuls la communication à l'intérieur du village était possible.
C'est l'occasion pour Bernard Quiriny de partager avec le lecteur un manifeste pour les choses de la vie, à l'ancienne. Car le voisin dont on se moquait parce qu'il cultivait des pommes de terre et élevait des vaches devient alors celui qui peut vous faire vivre. Les voisins, que l'on ne prenait pas la peine de connaître, deviennent des amis. La nature, que l'on ne prenait pas le temps de découvrir, devient un passe-temps. Les habitants prennent conscience de ce qui les entoure, de l'existence et de l'importance de choses qu'ils ne voyaient même pas auparavant, trop occupés à profiter de la mondialisation.

Le discours pourra paraître quelque peu facile et manichéen, mais le déroulement de l'histoire vous fera changer d'avis car, si vous décidez de lire Le village évanoui, vous ne serez pas au bout de vos surprises.
Si en revanche vous choisissez de ne pas lire, vous ne serez pas déçu par la fin (attention spoiler : un chemin potentiel vers l'extérieur a été découvert, du moins ceux qui l'ont emprunté ne sont pas revenus. Dans le dernier paragraphe, le curé, qui a perdu la foi en cette vie reculée et recentrée, décide de partir à son tour, il dit qu'il va bientôt connaître la vérité, le secret et emprunte le passage. Et voilà, c'est tout. Ça finit comme ça, vraiment.) Et je dois avouer que je ne supporte pas ça, les livres ou les films qui finissent comme ça (spoiler : quand un auteur ou un réalisateur passe deux-cent pages ou deux heures à vous poser des questions qui deviennent pour vous le seul but du livre ou du film et qu'à la fin, on ne vous donne pas de réponse).
Et je dois dire que ça m'a gâché tout le plaisir. Parce que l'idée m'avait emballé, même si j'ai allègrement sauté quelques passages du dernier tiers afin d'arriver au plus vite au dénouement parce que ça commençait à tourner en rond. C'est toujours triste d'être déçu par un auteur dont on attendait quelque chose. Et l'écriture, banale au possible (l'auteur se mettrait au niveau de l'éditeur ? Passage, ici, du Seuil à Flammarion), n'arrange pas les choses.

« Son sujet du moment était la position étrange de Châtillon dans le temps, et les erreurs de l'idéologie du progrès qui voit le destin des sociétés comme une ligne droite. Châtillon donnaient en effet l'impression inverse : celle d'être rendu au Moyen-Âge. Les gens allaient à pieds, ils ne mangeaient pas toujours à leur faim, la télévision et le téléphone faisaient défaut, les femmes cueillaient des baies dans les buissons et tout le monde envisageait de s'établir fermier.
Mais en même temps, et contradictoirement, Châtillon anticipait le futur : fin du pétrole, des communications faciles et des voyages instantanés. » page 67

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