Philippe Besson, Un certain Paul Darrigrand, roman, 210 pages, Julliard, janvier 2019, ***
« Pendant longtemps, cette escapade m'apparaîtra comme la preuve que la jeunesse pouvait bel et bien exister, je veux ce qu'on associe généralement à la jeunesse : la désinvolture, l'énergie, l'affranchissement, le goût d'être ensemble, l'envie de la fête. Avant cela, au fond, je n'aurai jamais véritablement connu pareilles sensations. Après, il sera trop tard. Après, ce seront les choses sérieuses. » page 25
Après la réussite littéraire, critique et commerciale de Arrête avec tes mensonges qui racontait sa première histoire d'amour avec un garçon alors qu'ils étaient lycéens à Barbezieux (critique), Philippe Besson récidive. Cette fois, il s'agit encore d'une histoire d'amour contrariée, mais pendant ses études supérieures à Bordeaux.
Il suffit d'un regard dans un couloir pour que Paul s'incruste à sa table, demandant carrément à quelqu'un de lui céder sa place, et dans sa vie, tel un parasite, belle entrée d'ailleurs. Mais on le connaît bien le petit Philippe maintenant : ça n'a même pas encore commencé que l'on devine une fin terrible. Et pour cause, Paul est marié. À une femme.
C'est également le récit de ses études, de sa maladie évoquée de façon romancée dans Son frère, de l'indépendance, des premières vacances entre amis, des premiers verres et des premières conneries alors que débarque le Sida.
Si Arrête avec tes mensonges m'avait bouleversé, serré le cœur, fait pleurer jusqu'au milieu de la nuit (je l'avais lu d'une traite, après une longue soirée), je peux vous dire directement que le fameux Paul Darrigrand ne lui arrive pas à la cheville.
Entendons-nous bien, c'est un bon roman, dans la lignée du précédent, qui fera certainement pleurer à nouveau les lecteurs et les lectrices de Philippe Besson, mais c'est moins beau, moins puissant, moins spontané. On croirait presque à une commande de l'éditeur.
« Salut Philippe, tu vas bien ? Ton roman, là, l'histoire d'amour qui a merdé, ça marche fort dis donc ! Si, si, je te jure, c'est ton roman le plus vendu ! Ouais. Ouais. Oui, oui, très émouvant... oui... Du coup, je me disait, on se disait avec Mireille, tu... tu n'en aurais pas une autre dans le genre d'histoire. À raconter. Un amour impossible avec un garçon dans ta jeunesse, tu as bien dû en avoir d'autres non ? Oui ?! Ah super ! Ben voilà, fais-nous ça, parce que ton bouquin sur Macron là, faudrait pas perdre tous les homos qui en route quoi ! Tu sais pas ? Bon écoute, pars une semaine à L.A., tu mets ça sur notre compte, et réfléchis-y ! »
Et Paul Darrigrand a resurgi du passé.
J'avais trouvé à Arrête avec tes mensonges quelque chose de très émouvant, d'assez universel aussi, de déchirant certes mais de magnifique. Je n'ai pas l'impression que nouveau faux roman plaira autant. Ce n'est pas la même histoire, la même époque (ses années d'étudiant sont plus folles que celles de lycéen), la même géographie (en plus j'ai également fait mes études à Bordeaux), le même contexte sentimental (triangle amoureux), mais ça sent le réchauffé.
Sans doute n'y aurait-il pas eu un premier roman autobiographique, j'aurais plus apprécié celui-ci, parce que c'est beau, touchant, parfois déchirant aussi, c'est prenant, on veut connaître la suite, Philippe Besson a encore ce talent de raconter des amours impossibles, bancales, bouleversantes.
