Max Monnehay, Géographie de la bêtise, roman, 220 pages, Seuil, août 2012, 17 € *
En 2006, Max Monnehay publiais Corpus Christine chez Albin Michel, petit bijou de cynisme qui m'avait bluffé et avait convoqué en moi une attente fébrile pour les six années suivantes. Car la belle a mis six ans pour écrire son second roman et en a profité pour changer d'éditeur.
Et dès la quatrième de couv', ça envoie bien comme il faut : « Lorsque Pierrot décide de fonder un village des idiots où lui et ses semblables pourront vivre en paix, sans plus avoir à souffrir d'ostracisme, il ignore qu'ils seront si nombreux à le suivre dans l'aventure. (…) Mais bientôt leur bonheur fait des envieux, et ce Paradis terrestre finit par attirer des hommes et des femmes qui n'ont rien à y faire. Face à cette menace, Pierrot imposera désormais à chaque nouvel arrivant un examen très spécial, un test de QI inversé, diablement efficace mais que Bastien trafiquera afin que puisse entrer au village et dans sa vie Elisa, la femme qu'il aime. »
Avec un tel point de départ, je m'attendais à un roman débordant d'humour, de cynisme, de trouvailles dans la vie de ce village des idiots. Mais que nenni ! D'abord Bastien, le narrateur, alterne les chapitres où il se souvient d'épisodes de sa jeunesse avec une mère complètement folle, les chapitres où il raconte quelques scènes de la vie au village et enfin, ceux où il est l'un des seuls survivants, brûlé vif, d'un carnage dont l'explication viendra au fil du récit. La construction choisie par l'auteure laisse place au suspense, mais empêche hélas de pénétrer dans l'histoire. Pas d'immersion dans le village des idiots, pas d'esquisse de roman culte tel que La conjuration des imbéciles.
Je voulais rentrer dans le roman, visiter ce village, apprendre à connaître chaque habitant, découvrir leurs tics imbéciles, leurs vies simplettes et rire un bon coup dans un livre que j'imaginais déjà garder, prêter, relire et offrir. Mais j'ai dû me contenter de survoler l'histoire de ces idiots, quelque part autour de celle de Bastien, qui est le vrai but du récit : raconter l'histoire d'un branleur ayant vécu une enfance de martyr, se faisant passer pour un idiot et aimant une autre débile qui a raté sa vie, qui se fait passer pour une idiote mais qui, elle, l'est finalement profondément.
Le deuxième point qui m'a déçu est le style qu'a voulu se donner Max Monnehay. Travaillé à l'extrême. À coups de tournures alambiquées, elle étale un travail d'écriture de longue haleine mais n'hésite pas, pour rester à la mode, à user de renvois à la ligne après des phrases de cinq mots, de grossièretés et de formules hype pour ressembler aux auteurs américains qu'il fait bon aimer.
Comment peuvent se côtoyer ces mots, ces phrases : « Que vous soyez lectrices et non lecteurs n'y changera rien, c'est bien un chibre que vous bougerez en Elisa au rythme infernal des reproches que vous ne manquerez pas de formuler à mon égard, parce que, s'il est admis par la multitude que la littérature n'a pas de sexe, j'ai encore le pouvoir de vous greffer entre les jambes celui qui me convient. Un gros machin tout dur, en l'occurrence. » (pages 164-165) ? Le cul entre deux chaises, elle chasse tout naturel de son écriture.
Voici donc une Géographie de la bêtise dont j'attendais beaucoup (peut-être trop) et qui ne m'a que très moyennement convaincu. Entre la construction ne permettant pas de se plonger comme il faut dans le récit et l'écriture trop travaillée pour paraître naturelle, j'ai bien l'impression que Max Monnehay est complètement passée à côté de son affaire. J'attends toutefois vos avis avec impatience.
En attendant, je vous laisse méditer sur cette citation « Utopie : c'est quand t'es assez crétin pour penser que le monde pourrait être autre chose qu'une immonde saloperie. » (page 32). Ai-je été crétin d'espérer un chef d'œuvre ?