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Philippe Jaenada, La Serpe, roman, 630 pages, Julliard, août 2017, 23€ *****

Publié le par Sébastien Almira



J'ai deux ou trois Jaenada chez moi depuis un moment sans y avoir jamais touché. Il a fallu qu'il reçoive le Fémina pour que je lise un de ses livres, alors qu'une amie en qui j'ai toute confiance l'avait déjà trouvé très bon. Il faut dire, à ma décharge, que La Serpe fait à peu près 300 pages de trop pour moi. Mais, putain, qu'est-ce que c'est bon !

Henri Girard est accusé d'avoir tué à coups de serpe son père, sa tante et la bonne au château d'Escoire, propriété familiale au fin fond du Périgord, une nuit d'octobre 1941. Il est à l'intérieur le seul survivant, aucune effraction n'est constatée, on le dit dépensier, arrogant, violent, il est l'unique héritier de la famille, il a emprunté l'arme du crime deux jours plus tôt aux voisins : Henri Girard, à 25 ans, est accusé du triple meurtre qui a défrayé la chronique.
Alors que tout (et tous) le pointe du doigt, que tout semblait plié, il est innocenté grâce à la plaidoirie flamboyante de son avocat, l'un des meilleurs amis de son père. Coup de théâtre retentissant et affaire abandonnée alors que le jeune homme donne 40 000 francs à la justice pour qu'elle reprenne.

Philippe Jaenada, après La petite femelle, se fait à nouveau détective et reprend l'enquête à zéro. À la manière d'un Beigbeder, présent dans le roman, il nous plonge dans la jeunesse du suspect, dans ce qu'on sait des relations familiales, de la nuit du crime et raconte le procès.
À la moitié du roman, on ne comprend pas une seule seconde qu'Henri Girard ait pu être innocenté et soit parti le cœur léger en Amérique du Sud écrire Le salaire de la peur sous le pseudo de Georges Arnaud.
Et c'est là que Jaenada nous bluffe. Il reprend toute l'enquête, épluche les archives : les correspondances des proches, les procès-verbaux, les témoignages, les comptes-rendus. Tout.
Et au fil des pages, on est de moins en moins sûr de la culpabilité du fils, notre enquêteur démonte non sans humour les arguments et les témoignages un à un. Entre mensonges, oublis, écarts volontaires (la justice qui fait passer des qualificatifs sortis de la bouche du suspect et de leur contexte pour une expertise psychiatrique), témoins non interrogés (le seul flic persuadé de l'innocence de Girard n'est pas appelé au procès), manque de vérifications des témoignages, oubli des preuves, Jaenada prouve que l'enquête initiale a été bafouée, voire truquée.

J'ai été impressionné par le travail minutieux de Jaenada. Il fait le travail de la justice française, jusqu'à probablement résoudre le mystère de cette affaire sulfureuse avec un cynisme et un humour qui rendent la lecture de ce pavé agréable. Saisissant et passionnant.

 

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