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Emmanuelle Bayamack-Tam, Arcadie, roman, 430 pages, 19€ ****

Publié le par Sébastien Almira

Emmanuelle Bayamack-Tam, Arcadie, roman, 430 pages, 19€ ****

Emmanuelle Bayamack-Tam, c'est la plus étonnante découverte littéraire que j'ai faite. La petite poignée d'anciens lecteurs qui sont revenus sur le blog le savent. Les clients que j'ai conseillés dans toutes les librairies où j'ai travaillé le savent. Ceux qui me connaissent le savent.
Tout le monde le sait.

C'est bien simple, j'en parle à tout le monde, dès que je le peux.
Cela fait dix ans que je suis libraire et cela fait dix ans que je l'ai découverte. Elle est en quelques sortes mon totem littéraire.

C'était ma première rentrée littéraire, en août 2008, je travaillais l'été chez Vents du Sud, super librairie indépendante qui a fermé depuis faute de repreneur. Je découvrai pour la première fois la joie de piocher parmi les services de presse. Je venais de lire New Wave de Gaël Morel et Ariel Kenig et voilà que l'on reçoit un petit colis avec les cinq romans de la rentrée POL. Immédiatement, j'ai eu envie de lire Une fille du feu.
Ce n'est pas son meilleur, mais ça m'a marqué. Tout ce qui m'a plu par la suite était déjà là. Des personnages hors norme, des minorités de tout genre représentées, une truculence et un cynisme à toute épreuve, une fluidité de lecture malgré une érudition folle, une langue riche, crue et poétique à la fois. Un cocktail explosif.

Après ça il y a Si tout n'a pas péri avec mon innocence qui reçoit le prix Ouest-France / Étonnants Voyageurs (article ici). Au bout de presque une dizaine de livres, les médias commencent enfin à parler d'elle.
Alors ça se vend plus, ça sort en Folio, elle passe chez Ruquier pour Je viens. Ce n'est pas synonyme de consécration mais c'est un sacré tremplin.
L'an dernier, sous le pseudonyme de Rebecca Lighieri, elle publie Les garçons de l'été et à son passage en poche, ça décolle carrément : l'éditrice y croit dur comme fer, les libraires adorent, le livre reçoit le prix des libraires Folio. Résultat : plus de 50 000 exemplaires du Folio pour l'instant !

C'est dire si, après tant d'aventures, Emmanuelle Bayamack-Tam est attendue. Le magazine professionnel Livres Hebdo s'est amusé à recenser les romans de la rentrée dont les dix principaux titres de presse ont parlé. Arcadie est dans les quatre plus cités et plébiscités. Papiers dithyrambiques, interviews, invitations en librairie dans les quatre coins de la France, premières sélections de prix littéraires (Prix de Flore, Médicis, Fémina), Emmanuelle Bayamack-Tam se taille enfin la place qu'elle mérite dans le paysage littéraire français.

Emmanuelle Bayamack-Tam, Arcadie, roman, 430 pages, 19€ ****

Cessons là cette longue introduction qui ressemble plus à une entrée au Panthéon, que je vous parle d'Arcadie.

Arcadie, c'est un gourou. Le gourou d'une communauté libertaire qui rassemble des gens fragiles, inadaptés au monde extérieur tel que le façonnent les nouvelles technologies, la mondialisation et les réseaux sociaux (voilà, j'ai bien recopié la quatrième de couv'!).

Arcadie, c'est peut-être un peu le double littéraire de feu Paul Otchakovski-Laurens.
Arcadie, c'est un dandy pansexuel dont Farah est éperdument amoureuse.
Farah, c'est la narratrice.
Farah, c'est une adolescente qui vit à Liberty House avec sa famille.
Farah, c'est une fille laide, très laide, sexuellement malheureuse depuis qu'une gynéco lui a appris qu'une bonne partie des organes génitaux manquent à l'appel.
Farah, c'est une personne incroyable de douceur, de courage, de bienveillance, de force.

Les deux personnages principaux sont éminemment romanesques, comme le sont tous les autres. Sacrée Dadah, et quelle description truculente de Victor (pages 38 et suivantes), pour ne parler que d'eux !

Arcadie, c'est l'histoire de Farah, d'Arcadie, de tous les joyeux lurons de cette Liberty House à la lisière de la frontière franco-italienne, de ce migrant resplendissant qui vient mettre les pieds dans le plat. C'est l'histoire de l'amour, de la liberté, du corps, de la sexualité, du passage à l'âge adulte, de la vie, d'une autre vie. C'est l'histoire de l'espoir et du renoncement aussi.
Arcadie, c'est plein d'histoires et c'est comme toujours beau et cruel, tendre et cynique, sombre et solaire.
Arcadie, c'est drôle, c'est grand et c'est libre.

« ˗ Farah, au fait : vous êtes une fille ou un garçon ? Parce que si j'en crois l'état civil, vous êtes une fille, mais bon, à vous voir, ce n'est pas si clair...
Crétine. Je suis ce que tu ne t'autoriseras jamais à être : une fille aux muscles d'acier, un garçon qui n'a pas peur de sa fragilité, une chimère dotée d'ovaires et de testicules d'opérette, une entité insaisissable, un esprit libre, un être humain intact. » page 417

Emmanuelle Bayamack-Tam, Arcadie, roman, 430 pages, 19€ ****
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Emmanuelle Bayamack-Tam, Arcadie, roman, 430 pages, 19€ ****
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