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Richard Harland, Astor, le riff de la rue, roman à partir de 13 ans, 360 pages, Hélium, octobre 2013, 15,90 € ****

Publié le par Sébastien Almira

 

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L'auteur du Worldshaker est de retour avec un nouveau roman steampunk, comme il se plaît à le dire. Mais moi j'ai envie de dire : qu'est-ce que c'est qu'un roman steampunk que même mon correcteur OpenOffice connaît alors que moi pas ? La réponse ICI. Ben oui, je vais pas tout vous faire, je suis allé chercher tout seul, je vais pas tout vous mâcher.

« On pourrait dire que ce roman est la carrière musicale que je n'ai jamais eue, combiné avec la révolution rock'n'roll que le XIXe siècle n'a jamais connue. Le roman mettant en scène un XIXe siècle alternatif est un genre autour duquel j'ai toujours gravité – appelez ça comme steampunk, ou « roman bec-de-gaz », si vous voulez. Je suis fasciné par l'ambiance et la société, les faux-culs et les hauts-de-forme, le brouillard et les usines, les manières raffinées et la pauvreté cachée... le tout intensifié par le pouvoir transformateur de l'imaginaire. » nous explique Richard Harland dans ses remerciements et notes d'écriture. Il a apparemment eu le déclic pendant qu'il écrivait le Worldshaker en voyant des photos de guitares steampunk créées par des musiciens sur Google image, « de vraies guitares électriques dont on pouvait jouer, avec des gadgets en cuivre et des bitoniaux en laiton, des tuyaux et des câbles, des rouages et des engrenages. Incroyable ! Ces images ont suscité une idée qui a fini par réunir mes deux passions : mon vieil amour de la musique jouée sur scène et mon nouvel amour pour l'écriture de romans steampunk. »

 

Ça vous aide ? On peut commencer maintenant ?

 

Bien. On est en Grande-Bretagne en 1847. Astor Vance, dix-sept ans, est aux anges : elle doit se fiancer à Lorrain Swale, dont la famille possède la plus grande fortune du pays. Mais l'adolescente découvre avec horreur qu’aucun mariage n’est prévu, et qu’elle a été engagée comme gouvernante de trois enfants détestables au possible.

Ça, c'est la première partie du roman. C'est très vivant, assez drôle, très bien décrit, on a l'impression d'y être, de vivre l'histoire. Les lieux nous parlent, les gamins nous insupportent, on a envie d'échapper à cette situation humiliante. D'autant qu'un domestique de son beau-père est resté avec elle et qu'elle ne supporte pas son petit air supérieur. Malheureusement pour elle, il est le seul à pouvoir l'aider.

 

« C'est ce soir-là qu'Astor tomba amoureuse de la musque des gangs. Auparavant, elle ne faisait qu'apprécier le fait d'en jouer avec brio... Mais cette fois, c'est elle qui fut jouée. Chacun des accords résonnait jusque dans ses os et dans ses veines. Ses percussions devinrent une partie d'elle-même au même titre que ses cheveux ou les lignes de sa main. Elle oublia le piano classique, la harpe et le violon. Ça, c'était sa musique.

Elle perdit complètement la sensation d'individualité. Les sentiments qui l'emportaient en elle n'étaient plus la rage ni la colère, mais l'amour et la joie. Elle avait envie d'étreindre chaque note contre sa poitrine, tel un amant. » page 156


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Dans la suite du roman, on changera totalement d'univers car l'échappatoire d'Astor et Verron se trouve dans les bas-fonds de Brummigham. Là, ils découvriront la musique des gangs, l'ancêtre du rock'n'roll, et l'aventure n'est pas prête de s'arrêter car troisième partie il y a ! On est alors plongé dans le Londres du XIXe, que l'auteur s'amuse à décrire (voir extrait suivant).

 

Richard Harland nous offre un fantastique roman multiple, avec trois parties très distinctes dans l'ambiance, histoire d'émerveiller plus encore notre imaginaire. D'une plume efficace et maîtrisée, il conte les aventures rocambolesques d'une petite bourgeoise contrainte de se mêler aux gens qui effraient ceux de son monde, sur fond de complot politique et de la naissance des groupes de musique (« pas besoin d'être doué pour connaître la joie de se perdre dans un rythme, de rebondir sur ce que font d'autres musiciens et d'interagir avec le public », l'auteur « jure qu'il n'y a pas de sensation plus vertigineuse, plus sauvage, plus fantastique au monde »). Laissez-vous emporter par une tripotée de personnages hauts en couleurs se battant pour survivre dans une Grande-Bretagne bien terne à l'ère de l'industrialisation.

 

« La traversée de Londres fut une véritable fantasmagorie qui leur donna une impression d'irréalité. L'engin à vapeur fila dans les grandes artères commerçantes du West End en faisant résonner sa trompe, balayant des fétus de paille les pousse-pousse, bicyclettes, charrettes à chiens et autres véhicules plus lents. En dépit du crachin, les trottoirs étaient noirs de monde. Des cloches tintaient sur des câbles en hauteur, des jets de gaz rouges et jaunes surgissaient de tuyaux de cuivre enroulés qui encadraient les devantures. Les boutiques elles-même ressemblaient à des palais où les reflets étincelaient derrière d'immenses vitrines. Le vert dominait partout : il y avait même des statues de verre au coin des rues.

Astor avait déjà visité le West End pour aller faire des courses, du vivant de son père, mais le quartier avait changé au point d'être méconnaissable. À présent, de gros ventilateurs étaient installés sur des consoles au dessus des trottoirs, probablement pour éloigner le plus gros de la pollution. D'autres systèmes de ventilation expulsaient un air chaud et parfumé de l'intérieur des boutique ; rien qu'à leurs fragrances exotiques, Astor sentait que celles-ci étaient du plus grand chic. Il y avait de larges panneaux publicitaires sur les trottoirs, des affiches dans les vitrines, d'autres fixées aux réverbères, pas un pouce d'espace vierge. Tout était lumineux, coloré, d'une abondance incroyable.

Même le ciel était utilisé. En levant la tête, Astor découvrit de gigantesques ballons flottant au dessus des rues, couverts de slogans et de visages peints, souriants, qui passaient et repassaient inlassablement.

Le spectacle qui s'offrait lorsqu'on baissait la tête n'était pas moins étrange. De temps à autre, la chaussée devenait métallique, et le trolleybus brinquebalait sur vingt ou trente pas de grille grinçante. En plongeant le regard entre les croisillons, Astor aperçût toute une autre rue en dessous, perpendiculaire à celle où ils roulaient. Un autre étage de cohue fourmillante, un autre étage d'éclairage au gaz et de vitrines... et eux qui passaient au dessus de tout cela ! » pages 242-243.

 

 

Merci à Rozenn Samson des éditions Hélium pour cette lecture !

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