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La mort de Virgin.

Publié le par Sébastien Almira

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L'occupation sur les Champs-Élysées


Voilà, c'est fini
C'est une aventure extraordinaire qui s'achève en France aussi.


Parce que Virgin, à l'origine c'est anglais. D'abord, c'était un magazine qui parlait de musique, de disques que l'on ne trouvait pas facilement dans le commerce, déjà un vrai travail de spécialistes, de découvreurs. Devant le nombre de personnes demandant où trouver tel ou tel disque, Richard Branson et Nik Powell ouvrent un comptoir à Londres en 1971 qui ne vend que les disques dont ils parlent dans le magazine, c'est Virgin Records and Tapes. Puis une première boutique voit le jour sur Oxford Street à Londres en 1979. Et une autre. Et une autre. Dans les années 80 et 90, c'est une centaine de Virgin Megastore qui ouvrent leurs portes en Angleterre !

Vu le succés, ils décident de s'attaquer au reste du monde : les États-Unis, le Japon, l'Espagne, l'Allemagne, la Belgique, l'Australie, l'Egypte... En France, l'offre est diversifiée pour concurrencer la Fnac qui règne, impitoyabe depuis 1974, écrasant sur son passage un grand nombre de libraires et de disquaires. Ainsi, l'enseigne vendra également des livres, des vidéos, des jeux et de la papèterie. On est en 1988 et Richard Branson vise rien moins qu'un somptueux bâtiment, dont l'escalier de marbre et la porte du coffre-fort de l'ancienne City Bank sont classées, de 8500m² sur les Champs-Élysées. L'année suivante, Marseille est investie, puis Bordeaux en 1990. Là aussi, de beaux bâtiment en pierre sont choisis.

En France, l'impact de Virgin n'est pas aussi important que dans son Angleterre natale, mais l'aventure devient rapidement une institution. Le vaisseau amiral, sur les Champs-Élysées, est visité par les touristes du monde entier autant que par les artistes en promotion. Lorsqu'un reportage sur la rentrée littéraire ou sur la sortie d'un nouvel album de Mylène Farmer est tourné, c'est au Virgin des Champs-Élysées que l'on vient. Le succés est colossal. L'enseigne peut également se targuer de n'embaucher que des spécialistes. Pas de faux libraire, pas de faux disquaire. Que des passionnés qui se battent pour faire découvrir des réalisateurs, des chanteurs, des auteurs injustement inconnus, qui se battent pour la culture. "Virgin, la culture du plaisir".

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              Oxford Street à Londres                                               New York


Mais des loyers faramineux, une direction hasardeuse (quel est l'incapable qui a décidé de ne pas proposer de site de vente sur internet ? et j'en passe), une baisse massive du marché du disque (qui représentait la majorité de l'activité), puis de la vidéo, la crise qui fait du tort à la culture, Amazon qui détruit les librairies, etc., tout ça fait qu'après les États-Unis, l'Angleterre et de nombreux autres pays, c'est au tour de la France de voir disparaître les 26 derniers Virgin Megastore du territoire (il y en a eu jusqu'à une quarantaine) que Richard Branson avait vendus à Lagardère qui a revendu 80% à Buttler Capital, tout en gardant 14%, les 6% restant appartenant au PDG de Virgin Mobile.

En janvier, la direction dépose le bilan, pendant quelques mois, on espère une retructuration qui sauvera l'entreprise. Puis l'administrateur judiciaire déclare les magasins en cession. Pendant plusieurs semaines, on attend des repreneurs sérieux mais on doit se contenter d'une bande de branques qui entendent obtenir 11 magasins, la marque Virgin et plusieurs millions d'euros de stock pour 1,2 million d'euros (Rougier et Plé)... Toutes les propositions sont rejetés par le tribunal de commerce lundi 10 juin 2013.

Mardi matin, la direction annonce la fermeture de tous les magasins pour le vendredi 14 juin. Le jour même, quatre magasins sont occupés par les employés : celui des Champs-Élysées, de Barbès (Paris), de Rouen et de Strasbourg afin d'obtenir un PSE décent. 6 millions d'euros étaient au départ sur la table pour une entreprise qui compte encore 1000 salariés. Dont une grande partie de vendeurs spécialisés depuis des années en musique ou en vidéo qui ne retrouveront pas de travail dans leur branche et pour lesquels une réorientation semble indispensable. Mais l'argent disponible est loin de suffire puisqu'il ne dépasse pas le minimum légal (1/5e de salaire mensuel par année travaillée, donc 200 € pour un salarié au SMIC qui a un an d'ancienneté, 2000 € pour un salarié qui a dix ans de boîte). La direction décide alors de fermer immédiatement les 26 magasins de la chaîne pour des "raisons de sécurité". Quelques jours plus tard, Les Grands Boulevards à Paris, Dunkerke, Avignon et Plan de Campagne rejoignent la mobilisation.

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         Virgin des Champs       occupation chez Lagardère      Virgin des Champs


Lundi 17 juin 2013, l'entreprise est officiellement mise en liquidation et l'occupation se poursuit jour et nuit dans huit magasins pour obtenir 15 millions d'euros afin de faire appel à un cabinet de reclassement et de disposer d'un peu plus d'indemnité de licenciement.
Hier soir, jeudi 20 juin 2013, un accord a été signé avec Maître Lévy, qui s'occupe de la liquidation et qui souhaite nous voir quitter les lieux le plus vite possible. Après dix jours d'occupation et des mois de lutte (la première manifestion a eu lieu le 29 décembre 2012), nous avons obtenu la somme demandée et nous tirerons notre révérence à nos clients demain après-midi avec des groupes et DJ "Virgin" qui se produiront devant le Virgin des Champs-Élysées de 12 à 19h à l'occasion de la fête de la musique. Enfin, nous ferons nos adieux au magasin qui a accompagné pendant un an, cinq ans, vingt-cinq ans, une équipe soudée et passionnée de 180 salariés (1000 pour la France). Un lieu emblématique de la culture en France. Un lieu mythique.

Une page se tourne, à nous d'en écrire de belles. Mais Virgin fut pour nous une aventure extraordinaire. Une aventure humaine, culturelle, faîte d'échange avec les collègues, les clients, les éditeurs, les artistes, faîte de moments inoublables, sur laquelle restera à jamais un brin de nostalgie pour certains, une larme pour d'autres, mais pour tous un goût amer, un goût d'inachevé en même temps qu'un souvenir impérissable. Merci aux collègues et aux clients.

 

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Virgin de Nice

Commenter cet article
D
<br /> Bonsoir, je trouve que cette histoire se termine dans un monumental gâchis. C'est surtout aux salariés qui souffrent le plus et c'est vrai aussi que Virgin n'a pas su prendre le virage de la<br /> vente par internet et c'est bien dommage. J'ai beaucoup fréquenté le magasin Virgin des Champs-Elysées. Bonne soirée.<br />
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S
<br /> <br /> Merci pour ce mot. Bonne soirée<br /> <br /> <br /> <br />